Quand la guerre a pris fin,
nous, poètes, avons été
soulagés.
Nous sommes descendus sur la
place des grandes festivités,
nous n'avons pas levé les
drapeaux de la narration,
nous n'avons pas pris avec
nous un seul poème ancien,
nous étions le chant du
sans-défense.
C’étaient les cols blancs
qui remplissaient les rues
en brandissant de petites
enveloppes.
Les théologiens étaient en
train de dresser leurs avis
dans le cirque de la pudeur
moderne.
Nous avons compris...
que les cris d'allégresse des
femmes ne nous étaient pas
destinés.
Les acclamations du peuple,
Nous l’avons compris,
n’étaient pour nos noms
- qui n'existaient pas -
mais pour les soldats qui
portaient des bérêts rouges.
Notre tristesse a été grande
et nous sommes retournés à nos
eaux dans les hauteurs,
sur les fronts de la défense
de la langue.
Nous n'avons pas vraiment
compris ce qui est arrivé,
nos montres n'ont jamais été
des forêts pour les touristes
du poème,
nous n'avons pas creusé de
tranchées pour la rancune,
nous nous sommes contentés de
dire :
« Si la patrie devient
étroite à ses habitants,
les promesses d’un corps de
femme suffisent ».
Les femmes sont des patries
qui réduisent la nostalgie
pour une patrie qui réprime le
désir ardent.
Nous dessinons derrière les
prisons une rose pour
l'absence,
nous confectionnons avec nos
cadeaux des jouets pour
distraire la mort.
Nos montres n'ont jamais été
des forêts pour les touristes
du poème,
nous ne les avons pas réglées
sur la cadence du temps,
le temps chez nous est
métaphore,
et la métahore est une vie
entière
pour qui veut l'éternité dans
le royaume des mots.
Notre tristesse a été grande
et nous sommes retournés dans
les hauteurs,
dans nos eaux
et nous y avons érigé des
villes pour l'imaginaire.
Liège