« Il y a une
forme immédiate et si l’on peut dire incomposée, la jouissance d’une
unité surnaturelle »
Barthes. R.,
L’obvie et l’obtus.
Barthes parfait,
à propos de la peinture extrême-orientale et de certaines œuvres
occidentales, de peinture alla prima. Il signifiait par là, tour à
tour, une peinture où l’artiste ne peut se reprendre, corriger ou
retoucher, un degré zéro de la picturalité, une picturalité immédiate
et spontanée, enfin, une peinture renvoyant à elle-même et se
proposant comme surface pure.
Les
photographies de Jaâfar Akil sont une peinture alla prima.
Lignes, couleurs
sur surfaces ; nous sommes d’emblée dans le plastique. A la limite, le
représenté compte peu, ou moins. L’œil du photographe saisit la nature
plastique et la facture picturale de la Nature.
Les rapports de
la peinture et de la photographie ont toujours été des rapports
irréguliers : tantôt d’imitation, tantôt d’opposition, tantôt de
récupération et tantôt de collaboration comme dans l’imaginaire de J.
Akil. Lignes, couleurs sur surfaces : fini le mythe de la
représentation et de la mimesis. Nous sommes dans la construction,
dans l’artifice de l’artifice, c’est-à-dire de l’Art : « La Nature
imite l’Art » disait O. Wilde. On serait tenté de dire : « Tiens !
L’imaginaire photographique de J. Akil a vu un Miro, un Klee ou un
Kandinsky ! ».
Ce sens du
détail décisif, ce sens de la focalisation de l’éphémère, c’est
peut-être la façon la plus réussie de rendre la Parole à la Nature et
partant, à l’image photographique. De ce fait, lignes et couleurs (sur
surfaces) sont les éléments d’une « grammaire » et d’une écriture
photographiques instantanées.
Deux surfaces
d’écriture-peinture, l’une jaune doré (crépuscule du matin ?,
crépuscule du soir ? ) l’autre bleu (d’un bleu-ciel ou marin(e)
servant donc de toile de fond (le mot vient à propos) à ces esquisses
géométriques, à ces dessins « improvisés » et à ces figures
surnaturelle. Comme si la Nature retrouvait dans cet interstice de la
naissance (crépuscule du matin) et de la mort (crépuscule du soir),
dans cette ambivalence du « célest » et du marin, ses formes
(mathématiques) primaires à partir desquelles fleurs, arbres, hommes
et montagnes sont constitués.
Le jeu de la
forme et de la surface, de la ligne (droite, courbe, carré, triangle)
instaure la photographie comme écriture et comme structuration
picturales. Elle ravive le fond pictural de la photographie,
c’est-à-dire d’une peinture alla prima.
Abderrahim
Kamal.
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